Erowid
 
 
Plants - Drugs Mind - Spirit Freedom - Law Arts - Culture Library  
     
Les débuts de l'histoire de la Salvia Divinorum
Leander J. Valdes, III
2001
The Entheogen Review: 10(3):73-75
(HTML par Arachnophilia & Erowid)

THE ENTHEOGEN REVIEW
Journal des Recherches Non-Autorisées
sur les Plantes et Drogues Visionnaires

A moins de croire que la _Salvia Divinorum_ est l'ancienne plante stupéfiante Aztèque _pipiltzintzintli_ (ce n'est pas mon cas), l'histoire de cette menthe fascinante a commencé à la fin des années 1930. Quand R. Gordon Wasson et Albert Hofmann ramenèrent de la matière première à Carl Epling pour son identification (Wasson 1962, 1963; Epling and Játiva-M 1962), ils mirent fin à une quête qui avait duré presque un quart de siècle. Leur groupe se rendit à Oaxaca sous les auspices d'un célèbre anthropologue Mexicain, Roberto Weitlaner (Autrichien de naissance), qui conduisait des expéditions à Oaxaca depuis des décennies (Pompa y Pompa 1966). Je cite tout ce qui est relatif à la S. Divinorum, de chacune de ces précieuses références, traduisant vers l'Anglais si nécessaire.

Durant l'été 1938, Jean B. Johnson, le beau-fils de Weitlaner, rendit visite aux Mazatèques dans la ville de Huautla de Jimenéz, dans l'état de Oaxaca, avec un groupe de jeunes anthropologues. Il écrivit quelques articles basés sur leurs résultats. Le premier concernait les différents aspects de la culture et de la langue Mazatèques. Dans la section sur les guérisons et la sorcellerie il discutait des champignons magiques :

Les Chamanes, comme d'autres personnes, utilisent certaines plantes stupéfiantes pour retrouver des objets perdus. Dans certains cas, _Teonanácatl_ est utilisé, alors que dans d'autres cas, une graine appelée "Semilla de la Virgen" est utilisée. "Hierba María" est également utilisée. Les Zapotèques utilisent une plante appelée "Bador", le petit enfant, et les Aztèques utilisaient des plantes stupéfiantes d'une manière similaire. (Johnson 1939a).

"Semilla de la Virgen" est "La Graine de la Vierge", et "hierba (ou Yerba) María" est l'herbe de Marie, les deux se rapportant à Marie, mère de Jésus-Christ. Dans le second article, Johnson discutait plus en détails des activités des chamanes Mazatèques. C'est une excellente et intéressante source d'information, basée sur des entretiens avec un chamane. Concernant le trio Mazatèque de plantes magiques, il écrivit :

Pour retrouver un animal ou un objet perdu, on prend des champignons le soir. On commence à parler (après s'être endormi). Il n'est pas permis d'avoir un animal proche de soi, qui pourrait faire du bruit et déranger celui qui dort, qui continue à parler pendant que l'autre personne écoute. Le dormeur dit où se trouve l'animal ou la chose perdue, et le jour suivant elle est là quand ils vont la chercher. En plus des champignons, certains utilisent une graine appelée _Semilla de la Virgen_, et d'autres _Hierba María_. L'utilisation de diverses plantes magiques pour retrouver des objets perdus n'est pas limitée aux seuls Mazatèques; les Zapotèques utlisent une plante appelée _Bador_, le petit enfant, qui est administrée de la même manière que la Yerba María chez les Mazatèques. La feuille est bien battue, et un thé est ensuite concocté. Il est probable que les Chinantèques l'utilisent, puisqu'elle est bien connue de ceux qui vivent dans le voisinnage de Ojitlan. Les Aztèques utilisaient des plantes stupéfiantes d'une manière similaire. (Johnson 1939b).

Bador, oubadoh, fut plus tard identifié comme l'ipomée,Rivea corymbosa, et ce sont ses graines qui sont utilisées, pas les feuilles. (Wasson 1963) Johnson fut tué en Afrique pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Blas P.Reko, comme Weitlaner, était un expatrié Autrichien. Il était médecin et naturaliste, et travaillait souvent en collaboration avec les anthropologues (Reko 1945; Pompa y Pompa 1966). Dans son livre sur les plantes médicinales, il écrivit :

"Je ne peux pas ne pas mentionner ici une autre plante magique dont les feuilles produisent des visions, et que les Cuicatèques et les Mazatèques (des communes de Cuicatlán et Teotitlán) appelent "Feuilles Divinatoires". Les quelques feuilles que j'ai obtenues ne permettent pas leur identification scientifique à ce moment."

Teotitlán se trouve dans la Vallée de Oaxaca, dans la partie centre-nord de l'état. C'est la région Mazatèque. Cuicatlán est la commune directement adjacente au sud-est. Un moteur de recherche tel que GoogleTM peut vous fournir de bonnes cartes. Faisons une petite parenthèse en précisant que le crédit de la découverte des champignons magiques a été donné à Richard Schultes (1939), et ensuite R.G. Wasson. En fait, à ce moment Schultes se trouvait dans la Sierra Mazatèque, travaillant sur sa thèse de doctorat (Schultes 1941). Il accompagnait Reko, qui explorait le mystère des champignons depuis 1919. Pendant la fin des années 1930 Reko envoya à divers taxonomistes américains des spécimens qu'il avait collecté afin de les identifier. Il dit plus tard cela sur le botaniste Américain :

"Je dois mentionner ces détails, maintenant qu'un jeune étudiant ambitieux d'Harvard, s'étant transformé en pirate litéraire, s'est arrogé le crédit de mes découvertes (L'identification de Teonanácatl par Richard E. Schultes, Botanical Museum Leaflets, Harvard University, Febr. 21, 1939), après lui avoir communiqué les résultats de mes longues recherches et l'avoir invité lors d'une expédition botanique à Huautla de Jiménez durant l'été 1938, où je lui ai donné de nombreux échantillons des-dits champignons, qui ont finalement été positivement identifiés comme Paneolus campanulatus L. var. sphinctrinus (Fr.) Bresadola par le Dr Linder. Les échantillons que j'ai envoyé au professeur C.G. Santesson à Stockholm ont révélé la présence d'un nouveau gluco-alcaloïde narcotique."

Schultes ne retourna jamais au Mexique et orienta ses recherches vers l'Amérique du Sud.

Weitlaner, lui-même, fut formé et travailla un temps comme ingénieur, mais il changea ensuite pour l'anthropologie après avoir émigré au Mexique (Pompa y Pompa 1966). Il conduisit de nombreuses expéditions à travers le Mexique, et était un expert sur les populations de Oaxaca. Alors qu'il collectait des données sur les Chinantèques, il rencontra une personne qui lui donna beaucoup d'informations sur les rites de guérison Mazatèques, dont l'utilisation de Yerba de María ou S. Divinorum. La conversation consernant la menthe se déroula ainsi :

UTILISATION DE PLANTES MEDICINALES

Je parlais à Don S. du champignon Teonanácatl que l'on trouve à Huautla de Jiménez et il me dit qu'il n'était pas utilisé à Jalapa, mais il mentionna une autre plante qui était appelée Yerba de María.

La plante ressemble un peu à yerba Mora mais ses feuilles sont un peu plus larges; seules les feuilles sont utilisées, et elles sont mises dans l'eau. Elles sont d'abord frottées (écrasées) dans les mains, l'eau n'est pas bouillie, et elles sont utilisées dans des buts très spécifiques. Quand le _curandero_ part dans les montagnes chercher cette plante, il doit s'agenouiller et prier pour elle avant de la couper. Il n'y a que deux ou trois spécialistes qui connaissent ce remède. Ils ne sont pas _brujos_, et ils ne coupent les plantes que s'ils en ont besoin, après avoir prié.

Par exemple, si quelqu'un est malade et les médecins ne connaissent pas la maladie, alors avec cette herbe, ils peuvent diviner la cause du mal. Le _curandero_ qui apporte les feuilles demande d'abord au malade s'il est dépendant de l'alcool, car si une personne ne boit pas, 50 feuilles sont prescrites, mais ce sont 100 feuilles pour un buveur. Le malade boit l'eau dans lesquelles les feuilles ont été pressées; à minuit le _curandero_ amène le malade et une autre personne dans un lieu où il n'y a pas de bruit, comme par exemple une maison, où la personne malade boit la potion. Ils attendent un quart d'heure que le médicament fasse son effet, et la personne malade commence à décrire le type de maladie dont elle souffre. Le malade se retrouve dans un état de semi-délire, il parle comme s'il était dans une transe et les autres écoutent attentivement ce qu'il dit, il jette ses habits comme si il pouvait se libérer des animaux. Au petit jour, le _curandero_ baigne la personne malade dans la même eau qu'elle a prise, et grâce à cela elle est guérie.

Il est dit que c'est ce bain qui met un terme à l'état d'intoxication du malade qui a prit l'herbe.

Quand quelqu'un essaie de retrouver un objet volé ou perdu, le curandero écoute ce que la personne qui a prit la plante dit, et de cette manière l'objet est retrouvé.

Il y a un homme qui s'appele Felipe Miranda de Jalapa de Díaz, qui va dans les montagnes tous les 3 ou 6 mois pour collecter l'herbe; il réalise d'excellentes guérisons et il s'en sort assez bien économiquement; ils disent qu'il fait pousser la plante, mais il ne révèlera pas le type d'herbe que c'est.

Plus tard Weitlaner continua :

Il semble étrange que l'utilisation du champignon appelé _Teonanácatl_ soit catégoriquement niée, quand nous savons que dans la capitale Mazatèque de Huautla de Jiménez, son utilisation ésotérique est très bien connue. Comme il a été dit, ici il cède sa place à la plante connue comme _Yerba de María_.

Il peut être intéressant de faire remarquer le fait qu'une plante appelée _Yerba de la Virgen_ est utilisée d'une manière presque identique dans la ville Otomí de Santa Ana Hueytalpan, dans la région de Tulancingo dans létat d'Hidalgo, selon le Dr. J. Soustelle, qui l'apprit et nous écrivit. Pour autant, il ne mentionna pas d'auto-diagnostic tel qu'il se présente dans notre ville Mazatèque.

Yerba mora est la Morelle Noire ou _Solanum Nigrum_ [...] la maladie peut être psychique, psychologique ou magique. Il existe une description plus détaillée de la manière de broyer les feuilles de Salvia à la main (Valdés et al 1983). L'article de Weitlaner est une excellente lecture.

Quand j'étais dans la ville de Mexico en 1980, j'ai visité l'Herbarium National (un endroit où sont conservés les spécimens de plantes) pour voir leur collection de S. Divinorum. J'ai appris qu'en 1957 le botaniste mexicain Arturo Gómez Pompa, alors dans la Sierra Mazatèque en train de collecter des champignons pour le compte de la société pharmaceutique CIBA, trouva une espèce de Salvia connue par les Mazatèques comme Ska Pastora. Il nota qu'elle était hallucinogène (_alucinante_) et qu'une dose consistait à entre 8 et 12 paires de feuilles. Aucune fleur n'était disponile (une description florale est presque toujours nécessaire pour définir une nouvelle espèce), alors elle n'avait pas pu être identifiée au-delà de son genre. N'ayant pas eu la possibilité de retourner dans la zone avant Wasson et Hofmann, il perdit la chance d'obtenir le crédit pour l'identification de _Ska Maía Pastora_ (Gómez Pompa 1957, 2001).

Cela, alors, était tout ce qui était connu de la S. divinorum avant que Wasson et Hofmann ne collectent la plante. Ces vieux articles laissent en suspens des questions très importantes. Reko nota une utilisation possible de la S. divinorum par les Cuicatèques, et Weitlaner par les Otomi. Ces tribus vivent dans les régions voisines du coeur Mazatèques, et tout autant que les Chinantèques, elles méritent une étude depuis longtemps. Ces anciens explorateurs utilisaient des chevaux et des mules pour leurs voyages, j'ai utilisé une voiture et une jeep, mais je suis convaincu qu'aujourd'hui on pourrait le faire entièrement en bus avec un peu de courage (voyager dans les bus de campagne mexicains peut être une véritable expérience).

RÉFÉRENCES
  • Epling, C. and Játiva-M., C. 1962. A new species of Salvia from Mexico. Botanical Museum Leaflets, Harvard University, 20:75-76.
  • Gómez Pompa, A. 1957. Salvia divinorum herbarium sheets, A. Gómez Pompa 87556 and 93216 National Herbarium (UNAM), México,D.F.
  • Gómez Pompa, A. 2001. Personal communication 5/13/2001.
  • Johnson, J.B. 1939a. Some notes on the Mazatec, Revista Mexicana de Estudios Antropológicos,3:142-156.
  • Johnson, J.B. (1939b) The elements of Mazatec witchcraft, Etnologiska Studier 9:128-150.
  • Pompay Pompa, A. (1966) Summa Antropológica en homenaje a Roberto Weitlaner, INAH, México, D.F. Many of the articles deal directly with his life and his numerous expeditions.
  • Reko, B.P. (1945) Mitobotanica Zapoteca. Tacubaya, México, D.F. (Privately printed), pp. 17, 53-54.
  • Schultes, R.E. (1939) Plantae Mexicanae II. The identification of Teonanacatl, a narcotic
  • Basidiomycete of the Aztecs. Botanical Museum Leaflets, Harvard University 7:37-54.
  • Schultes, R.E. (1941) Economic aspects of the flora of northeastern Oaxaca, Mexico. Ph.D. Thesis, Harvard University, Cambridge, MA.
  • Valdés, L.J., III., Díaz, J.L., and Paul, A.G. (1983) Ethnopharmacology of Ska María Pastora (Salvia Divinorum, Epling and Játiva-M.). J. Ethnopharmacology 7:287-312.
  • Wasson, R.G. (1962) A new Mexican psychotropic drug from the mint family. Botanical Museum Leaflets, Harvard University 20:77-84.
  • Wasson, R.G. (1963) Notes on the present status of Ololiuhqui and the other hallucinogens of Mexico. Botanical Museum Leaflets, Harvard University 20:161-193.
  • Weitlaner, R.J. (1952) Curaciones Mazatecas. Anales del Instituto Nacional de Antropología e Historia (México) 4:279-285.


Translated by : LaMalice